Début novembre, Mediapart avait déjà révélé que le syndicat Avenir lycéen avait dépensé en bouteilles de champagnes et hôtels de luxe une partie des 65.000 euros de subventions accordées par le ministère de l’Éducation nationale. Après la publication de l’enquête du site d’information, le ministère avait lancé une enquête administrative sur l’utilisation de cet argent public. Il a par ailleurs indiqué que le versement de la subvention de 30.000 euros allouée en 2020 à «Avenir lycéen» avait été gelée.

Ce samedi 21 novembre, le journal Libération est allé plus loin et affirme que ce syndicat, à vrai dire largement inconnu, créé fin 2018 seulement, a été lancé de toutes pièces par le ministère pour servir sa cause. Le quotidien assure que «l’idée de créer cette organisation lycéenne a germé Rue de Grenelle, dans l’entourage proche de Jean-Michel Blanquer, pour servir la communication du ministre, et surtout rompre tout dialogue avec les syndicats lycéens opposés à ses réformes, notamment celle du bac».

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L’article affirme que le directeur de la DGESCO (Direction générale de l’enseignement scolaire) à l’époque, Jean-Marc Huart, était lié aux responsables d’Avenir lycéen et que des rectorats participaient à l’écriture de communiqués du syndicat, favorables aux réformes du ministère. Aujourd’hui, Jean-Marc Huart est le recteur de l’Académie Nancy-Metz, et ne souhaite pas s’exprimer sur ce sujet.

Les syndicats réagissent

L’article de Libération a provoqué un nouveau tollé des syndicats lycéens, dont certains accusent directement Jean-Michel Blanquer. Ainsi, la Fidl a dénoncé un «dévoiement total de la cause syndicale et une insulte faite aux jeunes dont le ministère aurait organisé l’étouffement de la parole face à des réformes du bac et du lycée catastrophiques». Le syndicat MNL voit lui dans Avenir lycéen, «une entreprise politique n’ayant pas hésité à manipuler certains de nos jeunes camarades lycéens (...) afin de servir les intérêts du ministre». Le MNL en profite habilement pour demander des «subventions suffisantes pour nous permettre de faire correctement notre travail de sensibilisation à la démocratie lycéenne». Quant à l’UNL, qui avait annoncé une plainte après les révélations de Mediapart, son président Mathieu Devlaminck a assuré sur Twitter qu’Avenir Lycéen était un «instrument de Blanquer» pour «faire taire» son syndicat.

Côté professeurs, le SNES (Syndicat national des enseignements du second degré) a aussi réagi par un communiqué, exigeant une «une enquête administrative indépendante dans les plus brefs délais».

Notre choix a été clair : la proposition. Proposer et en finir avec l’opposition systématique 

Nathan Monteux, co-fondateur d’Avenir lycéen

«Avenir lycéen» a répondu samedi par un communiqué en défendant son indépendance et son droit «à porter une autre voix que celle de l’extrême gauche syndicale». «On peut être jeunes et s’engager pour faire changer les choses et non seulement pour bloquer le pays. Notre choix a été clair: la proposition. Proposer et en finir avec l’opposition systématique», a indiqué Nathan Monteux co-fondateur d’avenir lycéen. «Personne ne nous a manipulés. À aucun moment quiconque au ministère de l’Éducation Nationale n’a «utilisé» notre mouvement», a-t-il ajouté.

Le trésorier d’Avenir lycéen a aussi publié un communiqué, demandant «à l’ensemble des bénéficiaires de repas et chambres prises par l’association dans des lieux qui dépassent le cadre de la moralité, de rembourser intégralement leurs frais, sous une période limitée à 15 jours, au centime près».

Les syndicats lycéens représentatifs sont subventionnés par un bureau de la DGESCO (Direction générale de l’enseignement scolaire), dirigée aujourd’hui par Édouard Geffray. Des subventions sont accordées en fonction des projets proposés, et contrôlés un an après, a posteriori. Si Avenir lycéen a reçu 65.000 euros de subventions, l’UNL a vu ses subventions fondre passant de 80.000 à 30.000 euros. Ce que dénonce ce syndicat, plutôt classé à gauche. Des élus LFI et communistes ont en outre réclamé dès vendredi soir une commission d’enquête parlementaire sur cette affaire.

Vous avez juste des lycéens qui ont peut-être dépensé de manière inopinée l’argent qu’ils avaient 

Jean-Michel Blanquer sur RTL

Invité sur RTL dimanche 22 novembre soir dans l’émission On refait le sport, Jean-Michel Blanquer a répondu en fin d’émission au micro d’Isabelle Langé aux accusations portées contre son ministère: «Pourquoi pas une commission d’enquête, ça peut être intéressant. J’aime bien quand il y a des enquêtes, c’est très intéressant pour la démocratie. Mais là, si vous regardez de près ce qui est dit dans ces articles, il y a vraiment beaucoup de sauce et peu de lapin comme on dit chez moi. On voit bien que Libération et Mediapart essaient de faire une affaire à partir de rien. Vous avez des lycéens qui ont peut-être dépensé de manière inopinée l’argent qu’ils avaient. J’ai tout de suite demandé une enquête là-dessus, point à la ligne».

«C’est vraiment le pompier pyromane»

Lorsque la journaliste lui demande si lui ou son ministère a téléguidé ce syndicat, le ministre répond: «C’est très frappant de voir cela dit par LFI alors que c’est un secteur qui depuis des années essaye d’avoir une influence sur le milieu lycéen et estudiantin. Les liens sont énormes entre eux. C’est vraiment le pompier pyromane».