Publicité

Hervé Morin : « Il faut que les régions soient les patrons de l'orientation»

Le président de l'association Régions de France et de la Normandie revendique le pilotage de l'orientation, « clef de voûte » de la réforme de l'apprentissage.

Par Alain Ruello, Marie-Christine Corbier

Publié le 8 févr. 2018 à 19:00

Vous avez, depuis novembre, engagé une négociation musclée avec le gouvernement. Pourquoi est-ce si important pour les régions de rester un acteur important de l'apprentissage ? 

On est sur le coeur de métier des régions, qui ont la formation et l'économie comme principaux champs de compétence. Nous avons la responsabilité des lycées et notamment des lycées professionnels, et nous mettons en oeuvre dans les régions des dispositifs d'accompagnement des entreprises dans leur politique de croissance, d'innovation et d'internationalisation. Nous sommes les patrons et les pilotes de ces politiques publiques sur les territoires. Et nous finançons en grande partie la formation des demandeurs d'emploi. Par ailleurs, l'apprentissage est un enjeu gigantesque pour le pays et pour les jeunes, durement frappés par le chômage. Les entreprises recherchent des compétences et des qualifications qu'elles sont incapables de trouver. Le principal frein à la croissance en France, ce ne sont pas les prélèvements obligatoires, mais la possibilité de trouver de la main d'oeuvre qualifiée. C'est un immense enjeu - or, nous sommes beaucoup moins bons que les autres notamment sur l'insertion professionnelle des jeunes. La seule chose qui compte pour nous, c'est que ça marche. Nous ne sommes ni dans la posture politique, ni dans les enjeux de pouvoir ou d'argent…

L'orientation était justement encore, jeudi après-midi, en négociation. Qu'avez-vous obtenu ? 

Publicité

L'orientation est la clef de voûte de la réforme. Aucune réforme ne permettra d'améliorer le volume et la qualité de l'apprentissage sans cela. Quand on ouvre 20 places en apprentissage, la plupart du temps on nous adresse 10 jeunes, alors que les besoins économiques sont avérés. Tant que l'apprentissage sera vu comme la voie des médiocres et non une voie de l'excellence, tant qu'on ne permettra pas aux métiers d'aller en permanence dans les collèges et les lycées, et les familles et les jeunes d'aller découvrir les usines, on ne s'en sortira pas. La métallurgie ne correspond plus à l'image qu'en donnait Zola et on n'imagine pas ce qu'est une usine automobile 4.0 si on ne s'y rend pas.

Faut-il des heures dédiées à l'orientation et à l'information ? 

C'est une idée de Jean-Michel Blanquer (ministre de l'Education, NDLR) à laquelle nous adhérons complètement. Mais il faut qu'on soit en mesure d'être les patrons de l'orientation, à l'exception de l'orientation liée à certaines sections spécialisées. On ne peut pas, comme aujourd'hui, avoir deux services qui s'occupent de l'orientation (l'Etat et les régions, NDLR). Si nous n'obtenons pas cela, cette réforme est morte. Si le gouvernement et les régions ont la même volonté que l'apprentissage marche, il faut s'en donner les moyens. A priori c'est en bonne voie.

La réforme va donner la liberté aux branches professionnelles d'ouvrir un centre de formation d'apprentis. Pourquoi avez-vous abandonné le droit d'opposition que vous réclamiez ?

Nous n'avons pas abandonné. Nous voulions un moyen de régulation sur l'ouverture des CFA. En vérité, cette régulation se pratique tous les jours avec les branches professionnelles. Nous avons accepté le principe de liberté, mais dans le cadre de conventions d'objectifs et de moyens pluriannuelles signées entre les régions et les branches. Ces conventions fixeront les plans d'investissement et l'orientation que l'on veut donner à l'apprentissage. A cela s'ajoutera la possibilité pour une région de fermer une section d'apprentissage dont les résultats ne sont pas conformes aux attentes.

La réforme va aussi chambouler le financement des CFA, puisqu'il sera basé sur le nombre de jeunes en contrat selon un barême national. Là encore, vous avez accepté alors que vous aviez dénoncé la « marchandisation de l'apprentissage »...

Ce point de la réforme tel qu'imaginé au début allait dans le mur ! Pour simplifier, on mettait dans les mains du marché un pan entier de la formation initiale. Nous avons demandé, et c'était une ligne rouge absolue, que l'on ait des moyens permettant d'assurer à n'importe quel jeune de France, en zone rurale ou en quartier sensible notamment, d'accéder à l'apprentissage. Nous ne serons pas les complices de la disparition de sections dans des pans entiers du territoire et qui par voie de conséquence provoquerait la disparition des entreprises qui n'auraient plus de vivier de main-d'oeuvre.

Avez-vous obtenu ces moyens ?

Sur le principe, oui, nous disposerons bien d'un fonds de péréquation régionale. Toute la question est de savoir de combien il sera doté. Nous estimons que ce fonds doit pouvoir agir sur deux leviers : l'innovation et la qualité de la formation, et le maillage territorial. Prenons l'exemple du CFA de Caen qui forme 6 ou 8 poissonniers par an. Sans ce fonds, il n'y aura plus de poissonniers formés à Caen car le financement au contrat ne permettra pas au CFA de couvrir ses coûts.

Alain Ruello

MicrosoftTeams-image.png

Nouveau : découvrez nos offres Premium !

Vos responsabilités exigent une attention fine aux événements et rapports de force qui régissent notre monde. Vous avez besoin d’anticiper les grandes tendances pour reconnaitre, au bon moment, les opportunités à saisir et les risques à prévenir.C’est précisément la promesse de nos offres PREMIUM : vous fournir des analyses exclusives et des outils de veille sectorielle pour prendre des décisions éclairées, identifier les signaux faibles et appuyer vos partis pris. N'attendez plus, les décisions les plus déterminantes pour vos succès 2024 se prennent maintenant !
Je découvre les offres

Nos Vidéos

xx0urmq-O.jpg

SNCF : la concurrence peut-elle faire baisser les prix des billets de train ?

xqk50pr-O.jpg

Crise de l’immobilier, climat : la maison individuelle a-t-elle encore un avenir ?

x0xfrvz-O.jpg

Autoroutes : pourquoi le prix des péages augmente ? (et ce n’est pas près de s’arrêter)

Publicité