Chronique. La ministre du travail, Muriel Pénicaud dévoile ce vendredi 9 février sa « révolution copernicienne » de l’apprentissage. Quand on se place sous les auspices de l’astronome polonais du XVe siècle, c’est que l’on entend changer radicalement les points de vue. Il serait, en effet, temps de sortir de ce paradoxe étonnant qui veut que l’apprentissage soit à la fois le système le plus efficace contre le chômage et le moins utilisé.
A diplôme égal, un jeune de niveau CAP a deux fois moins de risque d’être au chômage s’il est passé par l’apprentissage (60 % sont embauchés sept mois après la sortie) que par le système scolaire classique. Pourtant, les centres ne font pas le plein. Alors que François Hollande, qui aimait s’enfermer dans les échéances chiffrées, avait fixé le seuil de 500 000 apprentis comme objectif de sa politique, la France en enregistre à peine 400 000 aujourd’hui, soit le même niveau qu’il y a dix ans.
Un mal français
Les rapports s’empilent depuis des décennies pour tenter de caractériser ce mal français, vécu comme une forme d’humiliation face au succès de ces dispositifs en Allemagne, en Suisse et dans l’Europe du Nord. L’apprentissage est l’un des plus parfaits symboles des relations complexes qu’ont établi au cours des siècles l’Etat français et ses entreprises.
Au temps glorieux des guildes et des corporations, les parents plaçaient leurs enfants en apprentissage chez un maître et payaient pour cela. En 1268, Le Livre des métiers du prévôt de Paris précisait que le jeune devait avoir entre 10 et 12 ans et resterait cinq ans, avant son fameux tour de France et la réalisation de son chef-d’œuvre, clé de son intégration dans la confrérie.
Mais le système s’est perverti au cours des siècles (il fallait au XVIIIe être « français et catholique ») et il a connu son coup de grâce en 1791, avec la loi Le Chapelier qui a tout simplement aboli les corporations. L’Etat lui a préféré une Education nationale centralisée, plus égalitaire et de masse, qui a été la grande affaire des deux siècles suivants. Depuis, l’industrie tente de reprendre la main sur cette formation qui la concerne au premier chef. Surtout quand reviennent les pénuries d’emploi qualifié, comme aujourd’hui.
Usine à gaz
D’où le bras de fer qui s’est installé, d’abord entre les entreprises et l’Education nationale, qui pilote les programmes, puis avec les régions qui étant désormais responsables de la formation professionnelle entendent bien garder la main sur les centres de formation à l’apprentissage. De ce rapport de force a émergé un système de financement d’une complexité rare, une usine à gaz de 8,2 milliards d’euros par an.
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