Cours d’anglais en primaire. Avant la puberté, les circuits neuronaux sollicités par l’apprentissage d’une langue étrangère sont les mêmes que ceux de la langue maternelle. Après, ça se corse!

Le chanteur de rock quinquagŽnaire Nougaro, "instit" ˆ l'Žcole primaire d'Arengosse, donne un cours d'anglais le 07 janvier 2005. Tous ceux, dont cet homonyme du chanteur et musicien toulousain Claude Nougaro, qui ont incarnŽ la scne rock bordelaise dans les annŽes 80 publient avec 38 groupes,un compilation " Bordeaux Rock".  Ils remonteront sur scne le 22 janvier prochain pour un grand concert "revival". / AFP PHOTO / DERRICK CEYRAC

Avant la puberté, les circuits neuronaux sollicités par l'apprentissage d'une langue étrangère sont les mêmes que ceux de la langue maternelle. Après, ça se corse!

AFP PHOTO / DERRICK CEYRAC

Pour résoudre une partie des maux de l'école, Jean-Michel Blanquer mise sur les neurosciences. Ce terme, un peu barbare pour les non-initiés, s'invite dans la plupart de ses discours depuis son arrivée à la tête du ministère de l'Education nationale.

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Le 10 janvier, il présentait les 21 membres pluridisciplinaires de son nouveau conseil scientifique, présidé par Stanislas Dehaene, professeur au Collège de France et grand spécialiste des sciences cognitives. L'une des missions de cette instance consultative sera d'aider les élèves à mieux apprendre, en s'appuyant sur cette discipline émergente fondée sur l'étude du cerveau.

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Depuis la fin du XXe siècle, l'avènement et les progrès fulgurants de l'imagerie cérébrale ouvrent de nouveaux horizons en matière de pédagogie. Reste à savoir comment les enseignants, mais aussi les parents d'élèves, s'empareront de ces découvertes... Plusieurs experts livrent six conseils clefs.

1. L'attention, ça se travaille

"Mon enfant est tout le temps distrait, agité, rêveur. Que voulez-vous, c'est comme ça!" Qui n'a jamais entendu ce type de discours fataliste asséné par des parents désabusés? Bonne nouvelle, l'attention ça s'apprend et ça se travaille. Jean-Philippe Lachaux, directeur de recherche en neurosciences cognitives à l'Inserm de Lyon, s'est fixé pour mission d'aider les élèves à mieux se concentrer, à travers un programme de formation proposé aux enseignants, baptisé Atole (Attentif à l'école).

Première étape: expliquer aux enfants les limites du "circuit de la récompense". Ce fameux parcours cognitif qui les incite à rechercher le plaisir ou la gratification immédiate, qui les pousse à faire rire leur voisin de classe, à allumer leur console de jeux vidéo ou à consulter fréquemment leur portable. "On peut les aider à éviter de succomber à ces tentations, quand cela est nécessaire", soutient le spécialiste.

Entre autres recommandations, il suggère aux professeurs de découper les tâches à accomplir en différentes petites missions claires et courtes. Et conseille aussi d'apprendre à l'enfant à repérer lui-même certains signaux corporels indiquant qu'il est en train de se laisser distraire, comme le regard qui s'évade.

Il s'appuie sur la métaphore de la poutre: "Au bout de cette poutre imaginaire, il y a la fin de l'exercice. L'élève est comme un funambule qui doit traverser l'épreuve sans tomber, c'est-à-dire sans se laisser happer par les distractions alentour." Un discours à la fois particulièrement efficace auprès des 6-12 ans. Une fois lâchés dans le monde numérique, les enfants sont beaucoup moins réceptifs.

2. En classe, l'important est de participer

"Lorsque vous demandez aux gens combien de temps ils estiment pouvoir rester attentifs sur un sujet qui les passionne, certains vous répondront une journée, les moins optimistes opteront pour cinq heures, quatre heures, voire trois heures, explique Pierre-Marie Lledo, directeur du département des neurosciences à l'Institut Pasteur. Or ils ont tout faux! Notre attention ne peut excéder une dizaine de minutes."

Lorsqu'il entre dans ce mode-là, le cerveau émet des fréquences d'oscillation de 40 hertz et engloutit 30% de notre énergie disponible, voilà pourquoi il ne peut soutenir ce rythme très longtemps. Le cours magistral soporifique qui s'éternise face à des élèves passifs et spectateurs est bel et bien contre-productif. Mieux vaut privilégier le travail en petits groupes. Ou bien faire participer les élèves et les aider, régulièrement, à reconnecter leur cerveau en racontant une anecdote, en posant une question, en suscitant une émotion.

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La neuro-psychologue Bérengère Guillery-Girard, maître de conférences à l'Ecole pratique des hautes études (EPHE), insiste également sur l'intérêt des rituels pour "préparer l'enfant à une séquence de travail". Et d'évoquer le cas de cette enseignante de maternelle qui agite un bâton de pluie avant de lire une histoire. Le cerveau ainsi "alerté" se met naturellement en condition d'écoute, prêt à assimiler ce qui va lui être conté. "Bien souvent, nous autres chercheurs aboutissons aux mêmes conclusions que les professeurs des écoles, qui expérimentent in situ leurs pratiques pédagogiques et les ajustent au quotidien", précise la jeune femme.

3. En lecture, revenir au b.a.-ba

Les chercheurs en neurosciences semblent avoir choisi leur camp. Dans la querelle qui oppose les défenseurs de la méthode syllabique -qui consiste à apprendre à lire en isolant les syllabes des mots- et ceux qui prônent la méthode dite "globale" -qui consiste à "photographier" les mots-, ils pencheraient du côté des premiers.

"On connaît désormais parfaitement le circuit par lequel passe l'apprentissage de la lecture dans le cerveau, expliquait Stanislas Dehaene, en septembre dernier dans L'Express (n°3454 du 13 septembre 2017). Il assure la connexion entre les aires visuelles -ce que j'appelle 'la boîte aux lettres du cerveau'- et les aires censées reconnaître les sons du langage."

Les études démontrent que plus l'enseignant met l'accent tôt sur ces correspondances entre graphèmes (visuels) et phonèmes (auditifs), plus les enfants apprennent à lire rapidement. Les résultats sont meilleurs en déchiffrage... mais aussi en compréhension. Car, une fois que le cerveau a acquis ces automatismes de décodage, il peut se concentrer plus librement sur le sens de ce qu'il décrypte.

4. Langues étrangères: avant 10 ans, c'est plus facile

Dès les années 1930, c'est-à-dire bien avant l'apparition des nouvelles techniques d'imagerie cérébrale, la célèbre Maria Montessori, créatrice de la méthode du même nom, soutenait que la période sensible du langage se situe entre 2 mois et 6 ans.

C'est à ce moment- là que l'enfant absorbe et assimile le plus de mots. Dans les familles les plus aisées, l'engouement pour les cours privés d'anglais, dès la maternelle, ne date pas non plus d'hier. C'est bien connu, plus un enfant apprend une langue étrangère tôt, mieux c'est. Mais ce qui n'était jusqu'ici que de l'ordre de l'intuition est, là encore, désormais scientifiquement prouvé.

"Avant la puberté, plus précisément avant l'âge de 8-10 ans, les circuits neuronaux sollicités sont les mêmes que ceux activés avec la langue maternelle. Voilà pourquoi l'enregistrement d'une seconde ou troisième langue se fait aussi naturellement", décrypte Pierre-Marie Lledo. Après 10 ans, c'est une autre histoire... Le cheminement reste à réinventer et demande un effort supplémentaire à l'enfant, "qui perd alors le plaisir d'apprendre", poursuit le spécialiste. Cette fenêtre d'opportunité, une fois refermée, ne s'entrouvrira que très difficilement.

5. Pas de mémorisation sans sommeil

On sait depuis longtemps que le sommeil est indispensable au bon développement de l'enfant et de l'adolescent. Mais, contrairement à une idée reçue, ce n'est pas qu'une simple question de repos et de récupération. "Durant le sommeil, nos circuits neuronaux vont faire un tri absolument nécessaire pour assurer la maintenance de nos fonctions, précise Pierre-Marie Lledo.

  Pendant le sommeil, le cerveau rejoue ce qui a été appris dans la journée: les souvenirs et les connaissances s'impriment durablement.

Pendant le sommeil, le cerveau rejoue ce qui a été appris dans la journée: les souvenirs et les connaissances s'impriment durablement.

© / L'Express

Le cerveau va également se montrer particulièrement actif en rejouant ce qui a été vu ou appris pendant la journée. Ce mécanisme va lui permettre d'imprimer durablement des souvenirs et des connaissances." Des tests réalisés sur des rats, encouragés à effectuer un même parcours alors qu'ils étaient en phase d'éveil, ont démontré que les rongeurs, une fois endormis, refaisaient mentalement ce circuit en boucle.

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Le même phénomène s'appliquerait aux humains. Lors d'une expérience, des enfants de maternelle à qui on avait appris à faire un jeu de construction ont été séparés en deux groupes. On a fait faire une sieste à l'un mais pas à l'autre. Le lendemain, lorsqu'on leur a demandé de reproduire le jeu, on s'est rendu compte que le premier groupe -qui avait dormi la veille- avait mieux assimilé les gestes que le second. Une découverte qui va dans le sens de ceux qui militent pour le maintien de la sieste obligatoire en moyennes et grandes sections de maternelles.

6. On apprend beaucoup de ses erreurs

La mémorisation se fait en plusieurs étapes. L'encodage, c'est-à-dire la mise en mémoire d'une information. Puis le stockage ou la consolidation, qui consiste à la ranger. Et, enfin, la récupération, qui permet d'aller la rechercher. "On sait aujourd'hui que le fait d'espacer les périodes d'apprentissage optimise et consolide ce mécanisme", affirme Bérengère Guillery-Girard.

Il est, en effet, plus efficace d'organiser ses révisions en plusieurs séquences courtes, plutôt que d'y consacrer cinq ou six heures d'affilée. Comprendre le sens de ce que l'on souhaite enregistrer est aussi un prérequis, comme l'expliquait récemment Laurent Cohen à L'Express (n°3453 du 6 septembre 2017). "La mémoire n'est pas une boîte fourre-tout", insistait le professeur de neurologie à l'hôpital de la Pitié-Salpêtrière.

Avant d'avancer en guise d'exemple: "Si je vous donne une série de chiffres comme 1-4-0-7-1-7-8-9, je fais le pari que vous ne vous en souviendrez plus une heure plus tard. Si je vous révèle que ces chiffres correspondent à la date de la prise de la Bastille, vous saisirez leur organisation et vous les rattacherez aux connaissances que vous avez déjà: ils auront du sens et vous les retiendrez facilement."

Enfin, pour fixer au mieux ses connaissances, rien de tel que de s'autotester. "Un traitement superficiel laissera finalement une trace superficielle. Alors que si vous fournissez un effort, la trace sera bien mieux ancrée et plus durable", confirme Bérengère Guillery-Girard. A une condition: que ces tests ne soient pas perçus comme des sanctions ou des épreuves mais qu'ils soient plutôt appréhendés comme des occasions de s'auto-évaluer. En suscitant une dose de stress supplémentaire, on risquerait d'aboutir à un blocage et d'obtenir l'effet inverse.

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